mercredi 7 novembre 2012

Histoire d'une petite fille

C’était un matin comme un autre, ou peut-être pas. Mes semaines sont comme des montagnes russes, je dirais même que dans la journée, j’ai l’impression d’être dans
un manège. J’ai des hauts et j’ai des bas.

Maman essaie de me comprendre du mieux qu’elle peut, mais ce n’est pas toujours facile pour elle. Je ne parviens pas à bien expliquer comment je me sens. Lorsque je vis
une incompréhension face au monde qui m’entoure, mes larmes coulent. Parfois même sans vraiment que je comprenne la raison. Je pleure, mais je ne sais pas toujours ce qui me fait pleurer.

Pour maman ce n’est pas facile. Je pleure beaucoup dans la journée, pour des événements qui vous semblent bien banals. C’est alors difficile d’identifier ce qui cause ma crise et lorsque vous cherchez et tentez de me parler pour comprendre, c’est comme si vous attisiez le feu avec de l’huile. Ça fait mal, je pleure encore plus fort. J’ai besoin du silence lorsque je suis en crise. Surtout, vous ne devez pas me toucher. Vous me déstabilisez encore plus.

Ce matin-là, c’était un matin comme un autre dans ma vie de petite fille de quatre ans. De l’extérieur, vous pouvez trouver parfois étranges mes réactions sur ce qui vous semble anodin, d’autres fois, j’ai vraiment l’allure de la petite fille reine de la maison qui mène ses parents par le bout du nez. Ce que je vis est pourtant bien réel et ça me fait mal de ne pas toujours comprendre.

Ce matin-là, j’avais soif. J’ai demandé du jus à maman.

Elle m’a répondu de me prendre un jus en boîte dans l’armoire, elle ne pouvait pas me servir à ce moment puisqu’elle s’occupait de mon petit frère. Moi, j’avais déjà sorti mon jus préféré du réfrigérateur.

Comme maman me l’a demandé, je me suis prise un jus en boîte dans l’armoire, et c’est là que les larmes sont montées. J’essaie toujours de retenir ma peine comme mes éducatrices me l’ont montré. J’essaie de contrôler cette sensation qui s’empare de mon corps du mieux que je peux. J’ai montré à maman mon jus que j’avais sorti du
réfrigérateur, ravalant toujours mes larmes du mieux que je le pouvais.

—C’est lui que je voulais!, ai-je dit à maman, mais je préparais tout de même mon jus en boîte.

Maman m’a expliqué que je pouvais choisir le jus que je voulais, tentant d’apaiser la peine qui s’emparait de moi. Ce n’est pas maman qui m’a fait de la peine. J’avais déjà
sorti deux jus. Je ne savais pas que ce n’était pas grave et que j’avais le droit de changer d’idée. Si j’avais déjà sorti un jus du réfrigérateur, alors je n’avais plus le choix, pour moi, cela signifiait que c’était celui que je devais boire, même si le jus que maman m’a proposé me tentait beaucoup.

Ce matin-là, comme bien des fois dans la journée, j’ai eu de la peine, beaucoup de peine. Ma tête était toute mélangée.


Extrait : Derrière l'autisme. 
Soumis aux droits d'auteurs. Aucune reproduction autorisée sans l'accord de l'auteur. 

vendredi 13 avril 2012

Le voyage en Hollande

Le voyage en Hollande 

C'est un texte qui circule beaucoup sur Internet et qui sensibilise les gens à ce qu'on peut vivre lors de l'atterrissage dans le monde de l'autisme. 

Pour toutes les mamans et plus spécialement les mamans d'enfants "différents" voici un beau texte écrit par Cindi Rogers qui porte à réfléchir.


Une grossesse, c'est comme planifier un fabuleux voyage en Italie. 
On achète un tas de guides et on élabore de magnifiques plans. 
On apprend quelques rudiments d'italien et on attend avec impatience.

Après des mois d'attente, le jour J arrive.
On boucle ses valises et on part.

Quelques heures plus tard, l'avion se pose. 
L'agent de bord se lève et dit :"Bienvenue en Hollande."

En Hollande? Comment ça en Hollande??? J'ai acheté un billet pour l'Italie! 
Toute ma vie j'ai rêvé de visiter l'Italie!

Or, il y a eu des changements dans le plan de vol. 
L'avion s'est posé en Hollande et c'est là qu'on doit rester. 

La chose à comprendre, c'est qu'on ne se retrouve pas dans un endroit horrible et sale où règne la peste, la famine et la maladie.

C'est juste un endroit différent. On doit donc sortir et acheter de nouveaux guides de voyage. 
On doit aussi apprendre une nouvelle langue, sans compter qu'on rencontrera de nouvelles personnes qu'on aurait jamais rencontrés autrement. 

C'est seulement un endroit différent. 
Le rythme est plus lent et moins flamboyant qu'en Italie. 

Lorsqu'on y a séjourné un certain temps, on regarde autour de soi...et on remarque pour la première fois que la Hollande a des moulins à vents, des tulipes et même des Rembrandt.

Pendant ce temps, ceux qu'on connaît sont occupés à visiter l'Italie...et à vanter les merveilles de ce pays. 

Pour le reste de ses jours, on est contraint de dire: "Oui, j'étais censée y aller. C'est le voyage que j'avais planifié."

Et le chagrin suscité par ses mots ne disparaîtra jamais car la perte de ce rêve est un perte trop immense.

Cependant, si on passe sa vie à pleurer ce voyage manqué en Italie, on se prive de profter pleinement de toutes les beautés uniques de la Hollande.

jeudi 12 avril 2012

Prisonniers en Hollande

Bon j'ai réfléchi à mon titre et c'est celui qui me fait réellement sourire. Oui oui sourire, donc ne vous inquiétez pas ce n'est pas sur le coup de la déprime que ce texte a été écrit et j'ai encore toute ma tête!!!

Plusieurs parents d'enfants différents auront un jour ou l'autre lu ce texte - Le voyage en Hollande.  On leur aura présenté un peu comme un baume sur leur coeur blessé. 

D'ailleurs, je peux vous dire qu'on leur aura aussi fait lire d'autres textes que je n'ai pas en main, sur la force d'une mère à traverser l'épreuve d'avoir un enfant différent. On leur aura répéter aussi que si Dieu leur a donné cette épreuve c'est qu'il savait qu'ils pouvaient la traverser et qu'ils étaient assez fort!

Que de mots apaisants non? 

Je suis sûre que plusieurs se reconnaissent ici pour en avoir entendu de toute sorte et croyez-le les gens le font par gentillesse bien entendu. 

La première fois que j'ai lu le texte sur le voyage en Hollande je l'ai trouvé beau et émouvant. Quand on m'a dit que j'étais assez forte pour surmonter nos épreuves, je le croyais (je le crois encore). 

Mais, des mamans et des papas qui ne se sentent pas assez forts, qui doivent aller jusqu'au placement, qui tombent en dépression... il y en a!  Et ces "beaux mots" qu'on leur garoche ici et là, quand on parle d'eux comme étant forts, courageux, les meilleurs parents du monde, il se peut que ça ne passe pas. Ils n'ont peut-être pas envie de se faire dire qu'ils sont si forts, parce qu'ils ne le croient peut-être même pas eux-mêmes à ce moment précis. Ils ne veulent pas être meilleurs, ils ne veulent pas êtres des "superparents" selon ce que la population semble croire d'eux, ils veulent être seulement des parents comme les autres.

J'ai compris, après quelque temps et quelques lectures, que le voyage en Hollande là, il y a une gang de parents qui ne l'aime pas et vous savez quoi? Ils ont le droit. Parce que non, tous les parents différents n'étaient pas "fait" pour la job, d'ailleurs... j'aurais tendance à dire qu'aucuns d'entre-eux ne l'est réellement, ils n'ont juste pas eu le choix. 

Le voyage  en Hollande c'est un gros mensonge, parce qu'un voyage, c'est temporaire. On aime pas, on revient et on retourne sur nos pas. Et surtout rien nous oblige à aimer l'endroit. 

Ce qu'on ne nous dit pas lorsqu'on nous présente ce merveilleux texte, ces merveilleuses phrases, c'est qu'on est prisionniers en Hollande. On ne peut pas revenir comme on veut. Pendant ce temps, pendant que quelques visiteurs viennent en réel voyage en Hollande, qu'ils apprécient les beaux endroits de ce pays, nous on a tout vu, les beaux paysages, mais on a aussi visité les coins sombres qui sont cachés aux touristes... on en a même trop vu... On y vit certainement de belles choses, on comprend des choses qui ne sont accessibles que par nous, mais pour ce faire, on doit aussi vivre de grosses épreuves.
   
On est condamné à devoir "être forts, supersparents" aux yeux des gens... alors que finalement, on voudrait juste revenir chez nous et vivre une petite vie tranquille, passer à autre chose. Mais ça... 


Si on reprend le concept du voyage c'est encore plus compliqué parce que pour le restant de notre vie on ne pourra que regarder des "photos" de ce que ça aurait pu être, alors que les autres continuent de voyager un peu partout à leur grand plaisir. Nous aussi on aurait aimer voyager.

Mais on ne devrait pas pleurer!  Surtout pas, on doit être forts... être les meilleurs parents du monde parce que nous "on l'a mérité" cet enfant-là! 

Pourtant la réalité, on rêve souvent d'une petite vie tranquille sans stress, sans inquiétudes à ne plus finir, sans journée à nous faire avoir des cheveux gris prématurément. Jamais on ne vous dira qu'on regrette notre enfant (ou le voyage en Hollande), mais on aurait voulu que ce soit plus facile, différent, que oui, on aurait aimé y aller en Italie BON!  Et surtout qu'on le méritait ce voyage qu'on ne pourra peut-être jamais faire. 

D'ailleurs, j'irai jusqu'à dire qu'on le mérite probablement plus que les autres, parce que la journée que certains autres voyageurs de Hollande ont la chance (je pense à ceux qui ont plus d'un enfant ici comme une amie me l'a gentiment rappelé!) de vivre le fameux voyage tant attendu en Italie, ils l'ont tellement mais tellement attendu, ils ont tellement vécu le deuil de ce voyage qu'ils ne croyaient jamais faire, qu'ils en profitent deux fois plus, ils en profitent pleinement comme aucune autre personne n'ayant pas le même vécu peut comprendre. Mais encore là, même si ils profiteront pleinement de ce nouveau voyage, il reste une partie d'eux qui sera toujours en Hollande malgré eux...